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20 janvier 2010

L'éloge de l'ombre (1933) - Junichiro Tanizaki (1886 - 1965)

ELOGE_OMBRE_POUR_BLOG

Une découverte grâce à Anne-Sophie Delaveau! (merci!) lors d'un projet de première année où j'avais voulu faire "à la manière d'un temple japonais mais pas vraiment car on est pas au Japon" (qui au final ne ressemblait pas à grand-chose de japonais..., on va dire que l'élan y était mais pas les résultats). Je sais qu'un an a passé depuis, mais mieux vaut tard que jamais. Cet article n'est pas tant destiné à faire une quelconque analyse de l'œuvre, car j'en suis bien incapable. Je peux seulement vous dire qu'il a été publié en 1933 dans un contexte historique fort délicat - montée progressive en puissance d'un régime dur. Le texte mériterait aussi d'être re-contextualisé par rapport aux bouleversements de la révolution Meiji, moins d'un demi siècle avant, qui amena rapidement le japon du "féodalisme pré-industriel" à la "modernité occidentale". Et avant tout jugement hâtif, il conviendrait de replacer l'écrit dans ces divers réseaux historiques. Je me permets de dire cela car en fouillant sur internet avant d'écrire cet article j'ai lu pas mal de lectures rapides : à mon avis, si le livre propose une image du Japon "éternel - traditionnel" qui entre parfaitement en résonance avec l'image que l'on se fait du pays, il faut ne pas oublier qu'elle reste attachée à un auteur très particulier dans un contexte tout aussi particulier.

Tanizaki nous propose, et c'est mon opinion "personnelle", un texte à la fois profond et léger qui sait allègrement varier les registres : sous un propos à la mécanique sans doute volontairement présentée comme "compliqué et intellectuel" semble se dissimuler beaucoup d'humour, de la provocation à un zeste d'autodérision. L'ouvrage commence par le récit assez comique de Tanizaki se tordant les méninges pour aménager sa maison, dans  un style japonais, sans renier au confort de la modernité ; l'auteur enchaînant sur une description paradisiaque des lieux d'aisance japonais (un passage qui sait marquer les esprits :)), à partir de ce point s'enchaîne un propos beaucoup plus structuré qui explore les différentes facettes de la société ancienne : laques, nô (costumes / acteurs), calligraphie, aménagement de la maison etc. A chaque fois, la société "occidentale" hygiène - air sain et ampoule électrique, apparaît en contrepoint. La thèse apparente est séduisante : si la culture occidentale est présentée comme celle de la "lumière", de l'obsession de tout mettre à nu, même ce qui pourrait utilement rester dans l'ombre,  sous la forme d'un espèce d'éclairage blafarde hospitalier (la référence aux lampes crues des dentistes est d'ailleurs mentionnée), la société asiatique privilégie l'ombre et ses recoins, la création d'une "profondeur" permanente de l'espace que la lumière blanche annihile brutalement. Ainsi les toits des temples étalent leur ombre dans des pièces elles-même retranchées derrière des cloisons en papier, qui transforme le centre du temple en abri loin, très loin, de l'extérieur ; les laques et reflets profonds, le papier japonais et l'encre qui s'y perd. Il y a tout un jeu sur la perception de l'espace qui est très intéressant. En refermant le livre, je continue à me demander si au fond il n'y a pas beaucoup d'autodérision de la part de Tanizaki sur la culture "traditionnelle", et un certain plaisir humoristique à masquer derrière des ficelles et des concepts une société tout droit sorti d'un moyen-âge, que l'on pourrait qualifier sèchement de "sous-développé". En contrepoint, l'auteur ne se prive pas pour railler un certain côté ridicule de la société occidentale d'alors, caractérisé par le triplet hygiène  - air - ampoule électrique... En tout cas beaucoup de finesse dans l'écriture, que, je l'ai déjà dit, mes capacités intellectuelles ne me permettent pas pleinement de percer... à jour ! :)

Qu'est-ce que j'en ai retenu pour ma formation archi ? Un certain plaisir à remettre en question le "dogme lumineux" ("de la lumière naturelle tu useras") : encore aujourd'hui, je trouve que Tanizaki décrit encore bien cette obsession à tout rendre "visible" ("que la lumière soit et la lumière fut) de la modernité : jusqu'aux sdbs éblouissantes qui vous renvoie finalement l'image violente (et peu glorifiante) de votre visage le matin ! :) Je ne suis pas contre réintroduire un peu d'ombre dans les intérieurs, de pénombre, de zone mystérieuse, hautement plus attractive qu'éclairée violemment. Ce n'est évidemment qu'une pensée personnelle de qqn qui préfère parfois les recoins calmes et ombragés. Une lecture (rapide en plus :) ) que je conseille grandement pour le dépaysement culturel et une certaine présentation de l'espace, à laquelle on n'adhère pas nécessairement mais qui amène à réfléchir.

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