le recouvrement
Le "recouvrement" est un terme un peu barbare utilisé à l'ensal du moins pour signifier "plafond", tout "dispositif" qui passe au-dessus de nos têtes tout simplement. Le terme a le mérite d'insister sur l'importance de cette sensation que quelque chose nous abrite - nous protège - nous oppresse - nous aspire vers le haut. Cette désagréable impression de frôlement quand l'on se situe dans un endroit 'bas de plafond", alors qu'il semble de prime abord que l'on peut difficilement évaluer la distance qui nous en sépare. En réalité, l'être humain est profondément sensible à ce qui le "recouvre", et on envisage difficilement d'architecture sans toits : cela renvoie à la fonction primaire de l'architecture qui est de servir d'abri face à l'extérieur, à l'environnement.
Ainsi l'habituelle et potentiellement dangereuse "vue d'oiseau" ou "vue à l'infini" que l'on adopte, bien utile pour comprendre un projet dans son ensemble, ne correspond à aucune vue "réelle" : il faudrait inverser la vue, regarder vers le haut avec l'usage des perspectives plafonnantes, pour mieux se placer dans les conditions de perceptions sensorielles de l'individu. Les différences de hauteur de plafond délimitent des espaces beaucoup plus malléables que les différences de hauteur du sol par exemple (rien que le problème de l'accès). Peut-on dire que la liberté de l'architecte réside dans la conception des plafonds ?
Il semble pourtant que la solution "plafond blanc lisse plat" se soit imposée : si avant le XXème siècle, toute la difficulté de l'architecture consistait à "faire tenir" le plafond et le toit (contre-forts des cathédrales, charpentes, etc.) et déterminait en grande partie la forme du bâtiment, la libération structurelle a soulevé les contraintes qui s'exerçaient sur le toit, et paradoxalement, généralisé le banal plafond plat qui permet l'empilement à volonté et facile des étages. Disparition des poutres, caissons, planchers apparents, qui donnait du relief au recouvrement, place à l'ennuyeux horizon blanc, presque aussi monotone que le ciel bleu.
Et conséquence du toit lisse : les parois lisses ; bref la fameuse "boîte". Ce système toits-murs n'est pas forcément si naturel qu'il peut en avoir l'air : la jonction des deux éléments posant toujours "problème", tant esthétiquement, que sur un plan fonctionnel ou techniquement. Tout le monde ne peut pas l'effectuer avec l'élégance de Saarinen dans le Washington Dulles International Airport, où les piliers viennent s'agrafer sur le "toit volant" en le transperçant de l'intérieur. De nombreuses expériences ont été menées de "toit total", si l'on peut dire, c'est à dire où le plafond vient s'incurver pour se relier au sol sans discontinuité majeure : ce sont les anciens hangars militaires paraboliques ; le club de jeunes d'Ermont en 1967 de Prouvé etc. Le bâtiment est alors une coque recouvrante qui vient se poser directement sur le sol.
Partons à la découverte de la richesse du "recouvrement", un peu dans le désordre.
- de la pergola au toit flottant en passant par les auvents et porte à faux
Elrod House, Palm Springs, Californie USA, 1968, John Lautner
majesté ; masse flottante ; définition d'un sous-espace magistral interpénétré par la piscine
Sheats House, Los angeles, Californie, USA, 1963, transformée en 1989 pour Jim Goldstein, John Lautner
principe analogue à la photo précédente. Les maisons de lautner ont souvent servi de décors de cinéma (pour des james bond ou charlie angel's 2)
bass house, Case Study House N°20, Santa Rosa Avenue, Altadena, USA, 1958, Buff, Straub et Hensman
légèreté de voiles gonflées de vent
les ondulations de la bibliothèque de Viipuri, 1934, Alvar Aalto
mystérieuses ondulations organiques
- le toit transparent - les verrières
Cité Internationale de Lyon, France, Renzo Piano, 1999
création d'un espace mixte intérieur - extérieur. Se pose la question du côté artificielle de cette "rue" (vide) vis à vis du coût de cette verrière
cour couverte du british museum, 2000, Norman Foster
poésie futuriste face à l'héritage des civilisations, jeux d'ombre portées, re-qualification d'un espace extérieur en centre du musée
cathédrale de Brasilia, Oscar Niemeyer, consacrée en 1970
incroyable mouvement d'aspiration ascensionnel ; légèreté d'une fleur solaire rayonnante ; kitchissime anges suspendues
serres royales de Laeken, Bruxelles, 1873, Alphonse Balat
délicate combinaison de l'acier (plutôt fonte peut-être ?), des végétaux et du verre. Voir aussi les serres de Kew Gardens.
grand palais de Paris, 1897-1900 (pour l'exposition universelle de 1900), nef restaurée depuis 2004.
extraordinaire structure de transparence posée sur des murs en pierre avec tout leurs kitch melting pot de style.
galerie à bruxelles
comment la rue couverte, la galerie, si agréable dans les centres historiques (galerie umberto à Naples, passage pommeraye à Nantes, galerie Vivienne à Paris) s'est-elle transformée en artère de centre commerciale ?
- le toit stalactite - le toit grotte
Grand Théâtre, Berlin, 1919, hans poelzig
Décor délirant, inspira le palais de l'Empereur du tout aussi délirant Dune de Lynch.
hall de la bibliothèque Carnégie (1921-1928), Reims, France, Max Sainseaulieu
Dans cette grotte et ses bulles de champagne, antichambre du savoir, étrange stalactite de lumière crevant le plafond.
Grand Théâtre (foyer), Berlin, 1919, hans poelzig (1869-1936)
- le toit-arbre ou forêt
Mezquita-Catedral de Cordoue, vers IX-Xème siècle
salle Labrouste de la bibliothèque nationale de France, 1860-1866, site Richelieu, Henri Labrouste (1801-1875)
Ford House, 1948, Aurora, Illionois, Bruce Goff (1904-1982)
Gare d'orient, Lisbonne, 1998, Calatrava (né en 1951)
chapelle Saint Georges, château royal de Windsor, construction amorcée en 1475 sous Edouard IV, choeur (ci-dessus) en 1528 sous Henri VIII
- la densité des charpentes
Westminster Hall, édifié en 1097, charpente construite sous Richard III par Henri Yevele et Hughes Herland.
- de l'élévation à l'aspiration monumentale
cathédrale de reims, XIIIème siècle, Reims, France
palais de justice de bruxelles 1866-1883 - Joseph Poelaert
basilique Notre Dame de Fourvière, Pierre Bossan, construction débutée en 1872, achevée en 1964
église notre dame de Royan, achevée en 1958, Royan, France
parvis sous la tour Eiffel
- la coupole-univers
panthéon à Rome vers l'an 125 sous Hadrien
coupole de saint pierre, Rome, achevé en 1590
Nicol House, 1966, Kansas City, Missouri, Bruce Goff
salon des ambassadeurs - alcazar de Séville, achevé en 1427
Mezquita-Catedral de Cordoue, coupole du mihrab vers 961 (?)
- le plafond troué
musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles (hall d'acceuil)