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c(ai)² - bicursus ECL-ENSAL
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27 novembre 2008

être en un lieu (début sept. 2008) - rendu d'expression

P1060006

A l'exercice plastique (voir billet précédent) s'ajoutait un exercice "littéraire" de transcription de la sensation du lieu :

" Menace imminente dans le ciel : l’orage plane au-dessus du pont du Cusset. Pour les automobilistes, il semble que l’ouvrage constitue une porte principale pour effectuer la jonction entre Vaulx-en-Velin et Lyon et traverser alors le canal du Jonage en moins d’une minute. Pour les piétons, qui eux arrivent depuis un quartier résidentiel aux rues étroites et silencieuses, ce pont ne leur donne aucun repère urbain, longue traversée uniforme vers un lointain incertain, comme une grande zone de friche brutale dans laquelle on entre sans aucune transition. L’accès y est compliqué : il est d’abord nécessaire de franchir une première zone de ponts routiers sur lesquelles on s’élève, puis traverser une entrée du périphérique lyonnais ne possédant pas de passage piéton. Il faut se frayer un chemin parmi un flot de voitures, s’opposer au vent, rendu plus violent dans cet espace découvert et vaste, soulevant les masses d’arbres vert froid d’une manière quasi mécanique, dangereuse, en écho avec le béton, avant d’arriver sur le pont dominant l’eau qui s’écoule en tourbillons.  

 Durant cette première partie du parcours, étrange sentiment « d’agression », d’entrer dans une zone interdite aux piétons, territoire réservé à la seule circulation. [...] On pourrait y voir une juxtaposition arbitraire de parcours urbains : celui des voitures pour lequel l’édifice a été construit, se ramifiant en filaments de béton ; les chemins de terres bordés d’arbres cachant, à peine, le périphérique –fleuve de véhicules-, le trottoir, le périphérique, le canal. Autant de voies de circulation formant un étrange nœud où chaque lacet semble entrer en discordance avec son voisin : ensemble d’embranchements paraissant juste noués par la gravité. Pour les automobilistes, la fonctionnalité du lieu est assurée : jonction avec le périphérique, lien Vaulx-en-Velin – Lyon ; cependant, la relation des routes avec le canal, le chemin et les parcours piétons semble relever d’un collage forcé, sans intégration des divers ensembles entre eux. 

 En s’éloignant de la rive, en avançant vers le milieu du fleuve, les contrastes s’accentuent en donnant un certain malaise : impression vertigineuse en regardant les tourbillons, sensation de chaleur artificielle due à la pollution quand on se tourne vers la route, [...] contraste entre les fleurs des parterres aux couleurs vives et les teintes grises du revêtement. Enfin, d’anormales absences : celle des odeurs malgré la présence visuelle des arbres, de la rivière, des voitures. Celle de bruit puisque l’on s’habitue vite au ronronnement monotone des moteurs. Le climax du parcours est atteint peu après dans ce vertige d’éléments contradictoires avec les premiers éclairs et le crissement du tonnerre : contradiction entre l’immensité du paysage vers des immeubles plongés dans la pluie et le sentiment de cécité procuré par les multiples filtres visuels – [...]

 Peu après, l’intensité du moment décroît et le sentiment d’accommodation peut s’installer, la vision se précise : on remarque un barrage ancien au loin, des enfants de moins de 10 ans traversant sur leur vélo, habillés comme des cyclistes professionnels, [...] L’envie d’aller jusqu’au bout du pont s’émousse, remplacée par un sentiment « d’impasse » : l’itinéraire sur l’ouvrage ne semble pas mener vers un lieu de vie à l’échelle humaine. [...] Et l’on retourne sur ses pas, franchissant de nouveaux des obstacles devenus familiers, suivant la légère inclinaison du pont, s’extirpant du nœud pour rentrer de nouveau dans la trame urbaine. "

 (paul barrère) ;

P1060021

maud sur le pont :)

Visite du pont de Cusset (maud duphil)

"Mon premier aperçu du pont fut au volant : nous l’avons emprunté pour trouver où se garer sur l’autre rive. Et j’étais déçue. Des routes, des voitures, du goudron, je trouvais ça laid et je me demandais bien quelle émotion je pourrais ressentir autre que du dégoût pour les constructions « modernes »… La voiture rangée, je me hâte vers le pont, décidée tout de même à découvrir le lieu ; espoir tenace d’être encore émerveillée. Et ce fut le cas. Le premier canal que le pont traverse est une autoroute chargée de véhicules. Cette autoroute est droite et file au loin, si loin qu’elle me donne envie de partir. Un vieux désir se réveille en moi : celui de voler…

 Le temps tempétueux soutenu par le bruit incessant des voitures contribue à cela. Le vent souffle fort dans mon dos comme pour me pousser et me dire d’y aller. Les nuages foncés donnent de la force, du caractère au paysage ; ils font monter en moi une sorte de colère, ou plutôt, un bouillonnement du cœur, d’excitation. Je désire. Je veux. Quoi ? Je ne sais pas. Peut-être simplement voler. Il existe un mot en allemand qui n’a pas son équivalent en français : Sehnsucht. C’est le désir, la nostalgie. pour moi, c’est aussi la sensation d’être un humain et dons incapable de s’envoler, bien attaché à notre condition charnelle. A ce moment-là, j’étais sehnsuchtig.

 Je continue ma marche sur le pont. Là, le vrai canal. Magnifique. Toute une palette de gris portée par le vert des arbres argentés et le bleu de l’eau impétueuse. Et bien-sûr, le gris du ciel. un ciel mouillé comme une aquarelle. J’admire. J’aime ces gris qui me font plonger dans une mélancolie songeuse. C’est un moment de solitude et de contemplation. Car, paradoxalement, le bruit assourdissant des voitures créé une espèce de silence propice à la solitude. Il est comme le flux et le reflux des vagues ou comme l’écoulement d’une rivière.

 Ce lieu est une superposition de différents canaux. D’ailleurs, ce pont me fait penser au pont des soupirs à Venise : j’ai l’impression d’être dans une galerie au dessus de l’eau. Cette sensation est due aux fils électriques qui longent le pont au-dessus de nos têtes et aux nuages sombres si bas qu’ils emblent former un toit protecteur.

 L’obscurité grandit encore, les phares commencent à s’allumer. Le pont chevauche une dernière route plus petit et donc moins intéressante. Je retourne, fascinée par les contrastes entre ténèbres et lumière : le noir du ciel et les différents gris d’une part, et la lumière des phares et les eclairs d’autre part. Ces éclairs rajoutent à l’intensité du moment, à la force décapante du vent.

 Je croise des gens, des visages. Ils sont comme des miroirs qui me rappellent que je ne pourrai jamais voler et que mes hallucinations doivent s’arrêter là. Je rentre peu à peu vers la voiture et la réalité en regardant sans les voir les maisons alentour, l’esprit et le corps vidés par la puissance de ce qui vient de les traverser."

(maud Duphil)

P1060023

comme pour le billet précédent, ces exemples NE constituent PAS des modèles, mais des réactions des élèves par rapport à l'exercice proposé.

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N
http://www.youtube.com/watch?v=poi8klIN7A4&feature=channel
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