Nantes XVIIIème - l'île Feydeau

L'Île Feydeau est un projet immobilier et foncier impulsé en 1723 par le maire de Nantes Gérard Mellier et l'intendant de Bretagne Paul-Esprit Feydeau de Brou (qui donna son nom au lieu, comme vous pouvez l'imaginer). Avant les comblements des années 30-40, la Loire se faufilait entre une petite dizaine d'île : devant l'une d'elles, l'île de la Saulzaie, s'amoncelait des bancs de sable qui formait peu à peu une extension de l'île. La Saulzaie était situé aux pieds de la Nantes du XVIIIème, à deux pas du centre de la ville, des lieux du commerce (où s'élévera en 1808 la bourse de Mathurin Crucy), du quai de la Fosse, autrement dit, au confluent entre le commerce maritime / fluviale, source d'un enrichissement considérable (traite négrière), et de la ville moyen-âgeuse puisque nantes a commencé son extension à la rencontre de l'erdre et du "bras de la bourse" qui longe l'ile de la Saulzaie et que le château, baigné par la loire n'est pas loin. Un terrain propice pour de grandes idées immobilières donc ! D'où la motivation du maire de s'approprier rapidement ce futur "terrain" et de la faire fructifier. La réalisation du projet est confié à Jacques Goubert "ingénieur" (ou architecte !).  Goubert doit concevoir un véritable "lotissement" : puisque le projet est géré par une compagnie "privée" de 24 négociants. Il se consacre à subidiviser avec finesse les lots (530m² environ chaque lot) : en créant une rue centrale, qui deviendra la plus large de nantes à l'époque (actuelle rue Kervégan), et une rue transversale, il partitionne l'île en 4 parties. Il propose un "plan-type" pour chaque façade, avec support en granit et élévation en tuffau comme pour tous les immeubles de Nantes de cette époque. Le projet est la plus pure expression de l'esprit classique de régularité et d'ordre.

Quant à la concrétisation, il s'agit d'une autre affaire ! puisque éléver des lourdes bâtisses sur des terrains de sable... c'est un défi technique ! Le poids de chaque maison vient tasser le terrain et pertube la maison suivante. On observe aujourd'hui beaucoup d'immeubles de travers, conférant un charme tout ondulant et maritime à l'ensemble. A partir de 1750, le projet s'intensifie avec Pierre Rousseau qui solutionne le problème des fondations en s'inspirant des "radeaux" de pilotis hollandais. Une étude a permis d'identifier l'essence des bois et on a trouvé certains bois exotiques : était-ce pour l'imputrescibilité de certaines essences ? (bois dans milieu plus ou moins aqueux = pas bon ménage !). L'île feydeau va voir sa construction s'étaler sur une soixante d'années environ. L'architecture du XVIIIème y fleurit à travers hôtels particuliers et immeubles de rapport avec cours centrales, mascarons, ornementations, formant un vaste ensemble cohérent. Au cours des années 30-40, les deux bras de la Loire embrassant l'île (le "bras de la bourse" et le "bras de l'hôpital") sont comblés, figeant définitivement le vaisseau de pierre. Ils sont aujourd'hui les axes de circulation de la ville (bus, tram, voitures, coulées vertes) et isole un peu l'île. Avec les bombardements à la fin de la guerre de 39-45, l'hôtel dieu au sud de l'île est détruit, et l'hôpital est remplacé ensuite par une construction "moderne" que je trouve aujourd'hui assez affreuse et qui, par sa masse, coupe l'île du sud de Nantes, même si les pelouses bordant l'île permettent aux étudiants du CHU de se reposer et se détendre. Le patrimoine s'est dégradé depuis les années 50, mais est en cours de réhabilitation et de revalorisation. Pour la suite, quelques images de cette fameuse "île", projet du XVIIIème gardé "intact" et très original.

Un livre référence pour en savoir plus :

Nantes, l'île Feydeau, Loire - Atlantique ; Images du patrimoine
Recherches et textes : Gilles Bienvenu - Françoise Lelièvre
Photographies : Denis Pillet

escalier de "l'hôtel du goût", l'un des plus beaux bâtiments du quartier

façade de l'hôtel du goût

cour de l'hôtel du goût

lors d'une crue de le Loire, avant les comblements

les comblements en cours.. on voit bien la forme "vaisseau de pierre" de l'île (au centre) et son ordre

vestibule de l'hôtel du goût (photo du haut)