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23 septembre 2009

Les étoiles de Givors - Jean Renaudie - JEP 2009

P1090556

J'entame une série de posts sur mes visites des JEP (journées du patrimoine) 2009 à Lyon et alentours. On commence par un coup de cœur : l'ensemble de logements collectifs "les étoiles de Givors", dessinés par Jean Renaudie dans les années 70.

Givors est une commune située le long du rhône au croisement de l'A7 et de l'A47, entre Lyon et Saint-Etienne, à la limite du parc du Pilat. Cité ouvrière depuis le 18ème siècle avec l'installation de verreries en 1749, elle a connu la grande ère de l'industrialisation (chapellerie notamment), les vagues d'immigrations des années 50 de la reconstruction, et enfin la désindustrialisation qui la frappe encore aujourd'hui de plein fouet.

Le projet des "étoiles" trouvent sa racine dans les années 60, où l'insalubrité du "vieux Givors", installée entre rhône et colline, amène Camille Vallin, maire communiste qui fut élu pendant 50 ans, à envisager la destruction complète du quartier pour faire naître de l'habitat sain. On a du mal à s'imaginer aujourd'hui que la question de la salubrité était alors cruciale dans une France accusant dans ses campagnes dans un certain retard : salle de bain, WC / appartement n'étaient pas une réalité courante. Le vieux givors, ses ruelles étroites, son inconfort, ont été rasé en 1965. Restait à imaginer ce qui allait le remplacer, c'est-à-dire réinventer un cœur de ville. Vallin refuse plus de 26 projets, ne voulant pas des "grands ensembles" dont l'on commençait alors à sérieusement douter. C'est l'architecte Jean Renaudie qui remporte le projet avec un concept "en triangle" analogue à celui qu'il avait déjà développé à Ivry sur Seine, dans une démarche qui intègre pleinement la colline sur laquelle s'appuyait le vieux givors. Les travaux s'étalent de 1974 à 1982.

givors_satellite

Comme on peut le voir sur cette photo satellite, le projet de Renaudie s'intègre dans le site en faisant jonction entre colline et ville, à tel point qu'on à du mal à distinguer les "étoiles" au centre de ce cliché, immeubles avec tant de terrasses qu'on ne voit que des jardins (la surface d'un appartement correspond à peu près à la surface des terrasses qui vont avec), véritable colline artificielle prolongeant la colline réelle, transportant la végétation dans la ville et les habitations sur les pentes couvertes d'arbres.

En zoomant (ci-dessous), on constate une certaine régularité de plan et d'orientation complètement indiscernable du sol. Les "étoiles" s'articulent avec la ville autour de la place du marché. Auparavant un immeuble analogue à la construction rectangulaire à gauche s'y élevait, il a été détruit pour mieux réintégrer les "étoiles" à givors même.  Pour compléter la "contextualisation" des bâtiments, Renaudie dessine deux chemins-escaliers qui serpentent à travers les étoiles depuis la place du marché jusqu'aux ruines du château saint gérald en hauteur. La municipalité a d'ailleurs récemment prolongé ce parcours par un chemin de promenade à travers les bois. De plus, la trame de l'ancien givors est évoqué : puisque les nouvelles rues, places, portent le nom des anciennes voiries.

Sur le plan fonctionnel, tous les blocs d'immeubles sont indépendants et possèdent des entrées "classiques", la différence des niveaux (des immeubles de dix étages) peut causer certains problèmes d'orientations : les entrées sont parfois situées au +1 ou +2 ! Il y a un immeuble où il est nécessaire de prendre deux ascenseurs pour arriver chez soi! La complexité entraîne des plans d'appartement très dynamique où tout est diagonal, et où il n'y a souvent qu'une pièce rectangulaire! (la cuisine). C'est amusant de voir comment les "pointes" sont occupées : espaces plantes, espaces tv. Les meubles doivent aussi savoir jouer avec les murs et les angles. Mais tout cela fonctionne (d'après ce que j'ai pu voir dans les appartements, cf plus bas)

les__toiles_de_givors_satellite

Sur le plan "historique", les étoiles se sont peu dégradées au cours du temps. Par contre, la construction de deux immeubles les coupant de la ville (cf ci-dessus) a isolé le quartier. Ses cours, recoins, multiples endroits, les ont rapidement transformé en lieu de "mauvaises fréquentations" (notamment les terrasses supérieurs, vite fermées) ; et l'ensemble du quartier a acquis une réputation sordide qui n'est pas encore complètement dissipé aujourd'hui.

Sur le plan "humain", les "étoiles" regroupent 207 logements, tous avec un plan différent, tous occupés aujourd'hui, 70 en copropriété et le reste en logements sociaux. C'était une volonté du projet des années 70 de conduire à la mixité sociale en partageant les blocs en copropriété, HLM en accession, et HLM. (les noms de l'époque étant tout de fois différents). S'ajoutent des équipements publics : petites places, mais surtout un théâtre et une médiathèque. Les habitants ont ainsi tout sur place : la nature, les équipements municipaux, le marché (trois fois par semaine), la mairie, le centre de givors, les parkings (inclus dans les résidences). Des personnages âgées ont ainsi préféré quitter leurs maisons des alentours de Givors pour venir s'installer dans les étoiles pour bénéficier de cette proximité de services. Des habitants ont de l'attachement pour leurs appartements tarabiscotés (tout est triangulaire!) et cette réalisation utopique : j'ai pu le constater lors de la visite guidée puisque des propriétaires nous ont ouvert leurs domiciles ! c'était émouvant de voir des gens s'attacher à un lieu de vie si étrange. Cette architecture fascine et attire certaines personnalités, qui entrent pleinement dans le jeu de l'architecte, entretiennent les terrasses ; on peut comprendre que d'autres ne fassent pas "d'efforts" pour apprendre à vivre dans ce lieu.

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vue sur l'ensemble composite des "étoiles", avec en arrière plan l'hôtel de ville de Givors

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photo d'un journaliste du New York Times d'une des habitantes des Etoiles ; photo que je trouve vraiment magnifique. Jacques Ferrier a raison de dire que prendre de l'architecture en photo vide ça n'a pas de sens, et que l'architecture est là pour rendre les gens encore plus beaux.

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dans la cage d'escalier-mirador qui s'enfonce ensuite dans l'immeuble.

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=> car les étoiles, c'est aussi le royaume des chats :) avec tant de recoins et terrasses forcément!

En tout cas une visite absolument passionnante. D'autant plus qu'elle était assurée par une guide ultra compétente, que le circuit comprenait les extérieurs + des appartements, et que c'était extrêmement motivant et encourageant de voir le commune mobilisée pour ce patrimoine XXème siècle.

Les étoiles font partie d'un des cinq sites des "utopies réalisées" - patrimoine du XXème siècle en région urbaine de Lyon avec : la cité des Etats-Unis (Tony Garnier) à Lyon, le quartier des Gratte-ciel de Villeurbanne, le couvent de la Tourette à Eveux (Le Corbusier), site Le Corbusier de Firminy-Vert. Une très chouette brochure présente ces cinq sites.

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Commentaires
F
bonjour<br /> je suis tombée sur votre site par hasard en cherchant des références sur Villeurbanne...<br /> Vos photo rendent très bien l'architecture de Renaudie et la vie qu'on y mène. En été la tristesse du gris passe bien. <br /> Puisque vous avez aussi visité les Gratte-Ciel, ne trouvez pas que l'ambiance de la visite en un peu fade ? C'est l'impression que j'en ai à nouveau eue 10 ans après ma 1° visite (au début) alors qu'à la Cité T.Garnier on la vit mieux de l'intérieur : qu'en pensez-vous ?
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