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c(ai)² - bicursus ECL-ENSAL
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18 mars 2009

Qu'est-ce que l'espace ? limiter - délimiter

Glissons fort rapidement sur les notions que recouvre la notion "d'espace"  et ses problèmes... (en philosophie, voir par exemple Kant ; en mathématiques, espaces euclidiens, préhilbertiens, de hilbert, affine, espaces vectoriels, groupes, anneaux, espace normé, etc. etc. etc. ; en physique "l'espace-temps"), pour n'en retenir qu'une chose admise : l'espace est à 3 dimensions et mesurable, ellipse sommaire ! On pourra se référer à la définition de l'espace dans l'atlif (trésor de la langue française sur internet). Rappelons juste qu'étymologiquement, il est intéressant de constater que le mot a été emprunté au latin "spatium" : "champ de course, arène, étendue, durée" et qu'au cours du moyen-âge, le terme était plus souvent associé à une notion de laps de temps. J'insisterais enfin sur la notion "d'espace vital" ou espace personnel autour de l'individu, espace sensible (tactile / visuel / sonore), et les liens avec l'atmosphère / les conditions météorologiques / le milieu naturel où l'individu peut se mouvoir et s'épanouir : "Espace infini. Au dehors, par les fenêtres, l'air va, le ciel rit. Il y a  des arbres, de la liberté, de l'espace" (journal des Goncourt 1862). Cette approche donne une certaine densité à l'espace qui peut le distinguer du vide / de la vacuité.

Que pouvons-nous donc entendre par le terme d'espace en architecture ? en se méfiant de l'aspect quelque peu galvaudé et générique du mot ? l'espace architectural, conçu à la mesure de l'homme, s'il est profondément tridimensionnel, semble naître avant tout de limites dont les dimensions s'étendent entre le plan et le volume : l'espace architectural est limité, et plus fortement : délimité, volontairement ; l'architecture ne serait alors qu'une délimitation d'un volume par un ensemble de murs / poteaux / cloisons / surface. Et toute la problématique de qualification d'un espace reviendrait à qualifier avec pertinence ses frontières, sans pour autant tomber dans l'abus de focalisations sur celles-ci, ce qui compte avant tout, ce n'est pas les murs, c'est la zone entre, l'espace créé. L'espace n'est pas vide, bien au contraire,  et s'il semble l'être, c'est qu'il n'est jamais né des frontières ou qu'il en est mort : espaces résiduels, informes, indéterminés, étouffés. L'espace n'est donc surtout pas un volume cloisonné ! le vide de la boîte de carton, la pièce rectangulaire. Il doit être profondément perméable, lié aux sous-espaces adjacents, peut naître juste d'une trace au sol, d'un poteau, du vide crée entre un escalier et un mur, d'une différence de plafond ; se combiner en sous-espaces, bien que pour le moment, on ne considérera d'abord que des espaces simples. Les sous-espaces s'obtiennent par combinaison d'espace simple  + des soustractions (=percements, ouvertures), voir la fin du post pour quelques exemples.

(cliquez pour agrandir les planches) - la qualité du dessin n'est pas terrible - c'est purement explicatif

NB : les croquis suivants peuvent être adaptés à n'importe quelle échelle ; ils ne sont pas à prendre "littéralement" mais sont plutôt symboliques et représentent des visions partielles d'espace plus complexes.

P1080189

P1080190

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P1080195

P1080197


l_illimit_

  • l'illimité

"l'espace illimité est à mes yeux , la qualité la plus durable, la plus acceptable et la plus à même de donner vie à l'architecture" John Lautner

J'ai ici fait le choix de définir l'espace illimité comme le demi-espace au-dessus du sol plein. Lautner l'envisageait d'une manière bien différente et plus profonde, mais cette citation a pour but de donner aussi des qualités potentiellement positives à un espace qui peut "faire peur" : le vide sans contexte où aucune frontière contraignante ne défini le projet,  la page blanche, la morne plaine agricole ou désertique de la "mort aux trousses" de Hitchcock.   

la_trace_et_la_surface

  • la trace

avant tous les murs ou cloisons ou dispositifs lourds, une simple trace au sol suffit ! délimitation des terrains sportifs, des jeux des enfants, le pomœrium -sillon sacré- tracé par Romolus pour définir sa ville ; les signes "cabalistiques" ; les vestiges archéologiques dont il ne reste souvent que les maigres fondations.

  • la surface

c'est la terrasse extérieure en pierre qui tranche sur les pelouses ; les graviers des allées de jardins.Il ne faut pas oublier les moyens simples que sont la surface et la trace avant de s'aventurer dans l'abondance de cloisons. Évidemment, elles ne protègent pas des intempéries !

abaissement

  • l'abaissement

Que le sol marque une dépression ou une surélévation et naît immédiatement un espace. De l'estrade des seigneurs japonais aux canapés encaissés de Lautner ou du siège de Piper Heidsieck à reims de Ferrier, ces dispositifs permettent de mettre en place une scénographie intéressante et casse les monotonies des grands espaces. Cependant, ils sont à utiliser avec précaution : source de danger (l'éternel "attention à la marche"), source de non-accessibilité par un fauteuil, et source de "non-adaptabilité" : certes mettre la table sur une estrade peut être pertinent, mais dès que l'on veut agrandir la table temporairement pour recevoir... On peut bénéficier de tous leurs avantages en les plaçant... au plafond ! voir plus loin.

  • la surélévation

voir ci-dessus

  • le fossé

qu'il soit sec ou rempli d'eau (douves, lacs), le fossé fait partie des dispositifs potentiellement contraignants et qui sépare drastiquement les espaces sans utiliser de cache visuel (par exemple, Kahn utilise en Inde un lac pour disposer de part et d'autres logements étudiants et bâtiments de cours). On peut aussi le voir comme le lit d'une rivière : Frey choisit alors de l'enjamber via un pont pour sa gare de la vallée à Palm Springs.  L'architecte peut alors contrôler son franchissement via ponts, passerelles, tunnels etc. Lautner utilise des minces bassins d'eau pour entourer une de ses terrasses (maison Arango à Acapulco) : cela lui permet de supprimer d'inesthétiques garde-corps et empêche les insectes rempants de parvenir jusquà la terrasse.

  • le rempart / le mur

Ce dispositif agit de manière analogue au fossé s'il est de petite hauteur : un muret suffit pour dissocier fortement des parcelles. Par contre, il est sans doute plus "agressif" ou "défensif" que le fossé vis à vis des voisins et des passants. S'il est à hauteur d'homme, il définit clairement espace public / espace privé et permet la créaton d'un "monde intérieur" de la maison coupé du contexte (voir les murs colorés de Barragan pour le haras, ou les délimitations des anciennes demeures des daïmos japonais). Plus il s'élève, plus il se rapproche du rempart et fait jouer dans l'imaginaire de l'homme les images du mur de berlin, mur de prison, mur palestine-israel, mur USA-mexique. 

  • discontinuité

Ce dispositif coupe l'espace de manière moins brutale peut-être que le fossé ou le mur : quelques marches, une rampe, permet de relier les deux parties. Néanmoins il introduit une différenciation dynamique entre le public "en haut" et celui "en bas".

  • changement de pente

Plus doux que le précédent, création d'une zone de transition ; si elle doit être emprunté par l'homme, prévoir une pente correcte (5-7% grand maxi).

poteau

  • le poteau

un poteau (cylindrique, section carré, autres) ne semble pas a priori délimiter des espaces, et pourtant : il crée une différenciation concentrique et obstrue la vue, c'est déjà un repère, éventuellement une tour-symbole, un totem. Il suffit en effet de peu pour modifier drastiquement les propriétés de l'espace illimité : en mathématiques, on change les propriétés de R² en soustrayant un seul point (0,0) : il n'est plus étoilé.

  • deux poteaux

Pas besoin d'avoir deux murs et un toit pour avoir un porche ou une porte, deux poteaux suffisent à créer une surface traversante. Et le dispositif n'est pas simpliste : il suffit de penser à l'ancien worlde trade center ou aux tours Petronas en Malaisie (Kuala Lumpur). Selon l'écartement on obtient de nombreux effets de tension.

poteaux

  • trois poteaux

Ils créent déjà une pièce "fermée" et une grande richesse d'espaces.

  • n poteaux

Le poteau - la colonne a engendé toute l'architecture grecque et romaine (à l'origine, le temple grecque vient d'une transformation du bois sacré, ensemble d'arbres qui donnèrent le portique) : il permet de créer des ordres, des différenciations d'espaces sans recourir aux murs lourds. Suivant leurs alignement, on crée rapidement des effets visuels et des directions priviligées qui peuvent déjà rendre leurs élévations complexes : salles hypostyles, salle du trône de l'Apadana de Persépolis, mosquée de Cordoue.

  • rythme

entre les poteaux écartés des constructions de Mies Van Der Rohe et les colonnes en cartons resserrées créant des jeux de lumière de Shigeru Ban.

  • hauteur / taille / proportions

finesses des colonnes de la Salle Labrouste (construire par Labrouste...) de la bibliothèque nationale de France et les colonnes monumentales des salles hypostyles.

murs

  • le mur

C'est le dispositif (fortuitement ?) le plus célèbre de l'architecture. A taille humaine c'est le premier dispositif qui crée véritablement une sensation de sécurité : adossé au mur, personne ne s'approchera pas derrière. Les zones formés au niveau du contournement sont les plus intéressantes, basculement entre deux espaces : c'est le lieu de tous les dangers et surprises (dans les courses romaines, le virage des attelages le long de la spina était le moment clé de la course). Le mur me semble très important et pourtant soit pas assez utilisé (remplacé par les baies vitrées par exemple), ou au contraire on en fait un usage abusif. Son utilité fonctionne peut être de divers ordre : il coupe le bruit (selon son matériau par absorption- réflexion), le vent et le sable dans les constructions de Frey (modern desertism). A l'échelle urbaine, il a été employé avec maladresse : les barres entraînent d'immenses ombres, des vents, sont inquiétantes.

  • deux murs

accolés deux murs non sécants crée un espace intermédiaire à qualifier : couloir à l'échelle humaine, mais quelle relation à l'échelle urbaine ?

  • angle obtus

Ils sont plutôt acceuillants mais peu pratiques.

  • angle aigu

A éviter ! ou en le faisant de manière réfléchi : recoins agressifs, difficile à occuper ; je pense aux arrêtes aigus de Kahn dans l'institut Salk qui semblent vraisemblablement se comporter en espace résiduel, c'est à dire en vide, espace mort.

  • angle droit

stabilité et simplicité de construction, bien sage.

  • ligne brisée

Offre une richesse potentielle d'espaces. A l'échelle du bâtiment, on peut penser à "l'éclair" qu'est le musée juif de Berlin de Liebskind (1998).

  • inclinaison

Cette disposition n'est pas si singulière que cela ! elle fut couramment employé dans les années 50-70 aux USA : voir Lautner ou Frey et leurs baies vitrées inclinées vers l'intérieur ou l'extérieur qui accompagne la relation intérieur / extérieur.

  • le \/, le /\, le //

le /\, associé à des lumières basses, peut provoquer des effets de masse ; le // est fortement déstabilisant, le \/ peut être associé à l'ouverture vers le ciel. Ces dispositifs permettent aussi de penser autrement le recouvrement qu'avec le classique toit-murs et sa jonction problématiques : voir les travaux de Prouvé, ou la toiture de la chemosphere de Lautner.

recouvrement

  • le recouvrement

C'est une des premières fonctions de l'architecture : abriter ! tous les dispositifs de "recouvrement" sont fondamentalement et délimite de manière fluide les espaces (pas de murs, justes des plafonds). La manière de recouvrir est si important qu'on la matérialise souvent sur les plans via des pointillés. Le plan peut alors devenir un condensé du bâtiment même si la coupe montre le mieux le rôle de la hauteur de plafond.

  • la différence de hauteur

c'est une moyen très efficace de différencier les espaces, bonne solution de remplacement au décaissement / estrade. Mais cela pose des problèmes évidents quand il s'agit d'empiler des étages au-dessus.

  • le toit incliné

crée du mouvement : de manière formelle et littérale (déplacement du flux d'air) cf le tipi

  • l'ouverture

adossement contre un mur + vue sur un paysage cadré pas un toit qui s'ouvre doucement.

  • l'abri

retient peut-être de manière plus ferme l'individu dessous : protège des intempéries, fonction de brise-soleil (laisse rentrer les rayons du soir et du matin, bloque le soleil à son zénith).

  • le porte  à faux - l'auvent

l'auvent crée un espace intermédiaire entre intérieur et extérieur, le porte à faux engendre une tension avec le sol, voir la station d'essence de Frey à Palm Springs pour un porte-à-faux glissant sur le sol brûlant.

porche

l_abri

  • le porche

Deux murs et un toit : un porche, un des moyens d'obtenir une porte - un passage. Il est déjà un dispositif très fort d'orientation de l'espace (voir : les deux poteaux). Ses rapports le font évoluer du tunnel "angoissant" au portique et torii japonais d'accueil en passage par "l'espace traversant". Il peut être envisagé à grande échelle (grande arche de la Défense ; musée edo-tokyo au Japon).   

  • l'abri- l'adossement

deux murs et un toit renvoient à l'abri, l'adossement, on joue sur les inconscients de l'individu : là encore le danger ne peut venir que d'en face, mais l'on n'est pas encore acculé.

  • l'espace aigu / obtus

fonctionnent comme l'angle aigu / obtus, avec un côté abri renforcé

  • la niche-l'alcôve

C'est parfois une structure spatiale quelque peu négligée de nos jours, alors qu'elle a eut une importance majeure dans l'antiquité par exemple (les exèdres - les alcôves). Je la trouve potentiellement intéressante pour créer de l'intimité dans des séjours (voir les niches dans certaines maisons de Lautner ; il les utilise pour densifier des parois subtilement sans augmenter la densité d'opacité). En contrepartie, la notion de danger s'assimile ici à la sensation d'être acculé dans une impasse si les rapports hauteur / profondeur / largeur de la niche sont mal proportionnés.

  • la boîte fermée

après la niche, l'inévitable boîte fermée qui rétrécit l'espace pour les petites surfaces. je ne suis pas encore adeptes de la boîte fermée et préfère les solutions intermédiaires.

plafonds

quelques croquis pour illustrer l'importance fondamentale de la forme du plafond : cassons le plafond plat ennuyeux ! On peut avoir des recouvrements concaves ou convexes. Une fiche est consacrée au recouvrement. Je n'ai pas encore étudié les sensations provoquées par les formes du plafond, donc on va rester dans les exemples.

  • la voûte

Formes anciennes, relativement délaissée de nos jours, ayant pourtant connue son heure de gloire avec les fines élancées des voûtes en béton du début du siècle. Pour l'architecture moderne, voir le kimbell art museum de Kahn ; la casa study N°20 Bass House, les cathédrales gothiques, la voûte en berceau romane.

  • la coupole - le dôme

Même remarques qu'au-dessus. La coupole renvoie à l'univers. Les grands maîtres du dôme et de la coupole sont essentiellement les romains (le panthéon, grande salle de la maison Dorée de Néron, Grandes Thermes). Sainte Sophie en découlera.

  • la pyramide

Si la voûte et la coupole ne sont pas trop, à mon avis, intriguantes, un plafond pyramidale a un impact important : cf la pyramide de l'oratoire à la Tourette du Corbusier, la pyramide de verre de Pei au Louvre.

  • la pyramide renversée

là encore, fortes sensations garantis : pyramide renversée de Pei au Louvre.

  • caissons, arcs outrepassés etc.

élégance des plafonds à caisson et arcs outrepassés.

  • une méthode de combinaison des espaces

n'étant pas encore très habile dans la composition des volumes, j'ai un peu de mal avec ces combinaisons ensemblistes, mais elles me paraissent importantes et doivent être présentées ici, il faudrait faire des exercices de volumétrie !

inclusion

  • inclusion

le plus intéressant dans l'inclusion me paraît être la taille relative de l'objet inclue : du simple objet au sous-espace véritable. Ne pas oublier de jouer sur le creux / vide. Les objets A et B ne sont pas forcément des solides : ce sont des espaces, au sens défini dans tous les exemples ci-dessous. Exemple d'inclusion : un arbre transperçant le toit comme dans une maison de Wright ou la casa house study n°20 Bass House.

ensembles

  • intersection

maison Fischer de Kahn (deux carrés intersectés) ; la difficulté de ces manipulations ensemblistes est de gérer avec pertinence l'espace-frontière : la zone d'intersection, l'endroit de tangence, l'espace de tension etc.

  • tangence

je n'ai pas d'exemple sous la main !

  • tension

La tension se comprend facilement, et il faut se rendre compte qu'elle peut s'étendre à distance : voir la relation tour eiffel / trocadéro séparé par 1 ou 2kms ! On peut penser aussi au rapport entre le temple et le carré d'art de Nîmes (Foster).

  • liaison

toujours très problématique. exemple : la passerelle qui relie la pente à une maison de Mario Botta (maison Bianchi)

  • soustraction

les exèdres dans les murs, les soustractions dans le sol du musée chichu de Ando.

  • tension complémentaire

... je n'ai pas d'exemple qui me vienne

ensemble_suite

  • opérations ensemblistes

les opérations précédentes reviennent à appliquer les opérations ensemblistes (complémentaire,  inclusion, union, réunion,  différence, différence symétrique etc.). Les logiciels de DCAO (dessin et conception assisté par ordinateur) utilisent bcp ces notions (extrusion etc.) pour créer rapidement les volumes souhaités.

Beaucoup d'autres notions sur les volumes existent et ne seront pas évoqués ici : convexité ; coupes ; révolution ; génération; théorie des noeuds (espaces imbriqués) etc.

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