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c(ai)² - bicursus ECL-ENSAL
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28 février 2009

la relation au sol

Quoi apparemment plus anodin que la "relation au sol" d'un bâtiment ? Il apparaît évident qu'un édifice est toujours relié à la terre. Et pourtant, essayez de dessiner une maison réelle avec son paysage environnement, et vous prendrez tout de suite conscience qu'une de vos préoccupations lors de ce travail sera "d'ancrer" le bâtiment par rapport au sol, les débutants esquissent des architectures qui semblent flotter dans le vide par rapport au contexte (et je suis bien placé pour le dire !). Ce petit exercice simple met en évidence la complexité potentielle de la relation au sol : ancrage, suspension, sous-terrain, pilotis ? le choix ne sera pas anodin : il peut exprimer des idées directrices et conditionner le confort du bâtiment notamment ; si on a longtemps construit les palais et hôtels particuliers sur des entresols, c'était pour limiter l'infiltration de l'humidité le long des parois, c'est la même raison pour laquelle l'usage de boiserie étaient répandues sur les bas des murs. L'architecture "moderne" des années 70 a pu parfois un peu oublier ces contraintes...

  • ancrage

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Marin Couty Civic Center, 1957-1966, Frank Lloyd Wright

La ligne du bâtiment semble jaillir des montagnes à droite et la rotonde (qui abrite la bibliothèque du centre civique) semble s'enfoncer dans la colline, impression renforcé par le rapport longueur / hauteur et la forme de coupole basse. Ce bâtiment de Wright s'inscrit pleinement dans le vaste parc paysagé qui l'environne. Pour l'anecdote, il servit de décor à deux films de science-fiction fameux : Gattaca d'Andrew Niccols (Ethan Hawke, Jude Law, Uma Thurman), et THX 1138 de Lucas.

  • suspension

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temple Daikaku-ji, Kyôto, Japon

les bâtiments sur poteaux et entourés de terrasses permettent de créer cette riche interface entre le sol et l'intérieur du bâtiment via la terrasse et les cloisons coulissantes. La couche d'air stable créé en-dessous des bâtiments permet peut-être une ventilation naturelle ? l''émission de Richard Copans et Stan Neumann sur une maison traditionnel à Kyôto s'attardait sur ce fait.

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maison Farnsworth, Mies Van Der Rohe, 1946-1951, USA

Pour placer la maison hors de la zone inondable d'un fleuve, l'architecte surélève le bâtiment sur huit fins poteaux en acier peint en blanc. Il en résulte une impression de légèreté et de suspension, telle qu'on pourrait se dire qu'un souffle de vent peut déplacer l'ensemble. La construction, en minimisant son impact au sol, crée une relation particulière au terrain et à la nature alentour : en effet, le programme qu'Edith Farnsworth souhaitait réaliser dans cette maison de weekend à une centaine de kilomètres de Chicago insistait sur l'importance de la relation à la nature.

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la maison sur la cascade, FK Wright, Pennsylvanie, 1934-1939 : l'un des bâtiments les plus connus de l'architecture déploie ses terrasses et espaces d'habitations dans des plans étagés horizontaux invisibles, flottants au-dessus de la rivière, et comme maintenus à leurs positions par l'abondante végétation.

  • prêt à s'envoler

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Chemosphere (maison malin), 1960, Los Angeles, John Lautner.

En réponse à un terrain "inconstructible" du fait de sa pente, Lautner propose une maison suspendue sur une colonne centrale, comme une cabane dans les arbres ou un château d'eau, accessible uniquement via un petit funiculaire. Il s'avère aussi que cette solution répond aussi aux exigences de coûts faibles du client. Pour éviter toute impression de vertige / d'instabilité, Lautner soigne particulièrement le bord de la maison : les baies vitrées s'inclinent en suivant la courbe des poteaux, des rangements / banquettes y sont placés, densifiant cette frontière et évitant toute sensation inconfortable. L'architecte était d'ailleurs un maître dans la relation intérieur / extérieur.

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musée d'art contemporain à Niteroi (Rio de Janeiro, Brésil), Oscar Niemeyer

la "soucoupe volante" de Niemeyer... c'est ainsi que tout le monde s'est accordé à surnommer le musée. Lors de l'exposition consacré à l'architecture au Jeu de Paume il y a quelques années, un documentaire sur Niemeyer s'ouvrait sur un montage virtuel du bâtiment en train de voler dans le ciel de rio et de venir se poser sur le décor "de rêve" de la baie de Rio, et le résultat était très réaliste ! Il est évident qu'une des lignes de force du musée est cette relation au sol et au décor de la baie : j'ai lu que les alentours de l'édifice avait été spécialement dégagé pour le mettre en valeur. Niemeyer se référait plutôt à l'idée d'une fleur qui ouvrait sa corolle. 

  • semi-enterrée / troglodyte

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house for Herbert Jacobs, Middleon, Wisconsin, 1944-1948, FK Wright

Cette maison de Wright, située dans un climat froid, me paraît remarquable pour sa conception "bioclimatique" : le mur exposé au nord est protégé par un remblai, pour une meilleure isolation thermique et la façade sud s'organise autour d'un hémicycle solaire (le terme est de Wright) : façade vitrée sur deux niveaux qui emmagasine la chaleur, accompagnée d'avant-toits qui coupent le soleil au zénith en été, et laisse en hiver (le soleil étant plus bas), la lumière rentrer en abondance. La relation au sol permet ici d'optimiser le confort de la maison : l'hyper inertie du sol est un facteur important à prendre en compte.

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en haut : maison enterrée au Jutland (Danemark) K. Bonderup
en bas : maisons jumelles enterrées sous une dune (Floride, USA) W. Morgan

Ces deux exemples sont tirés de l'excellent livre "la conception bioclimatique" (Samuel Courgey, Jean-Pierre Oliva). La courbe de température du sol suit les variations de température extérieurs avec un déphasage et un amortissement en amplitude (solution de l'équation de la chaleur, voir cours de physique spé). On peut tirer parti de ces deux effets pour rafraîchir en été et limiter les chutes de température en hiver. A partir de 8m de profondeur, la température se stabilise à la moyenne annuelle du lieu approximativement. La distinction entre les deux maisons réside dans les dispositifs de captage solaire : maximale au Danemark, minimisé en Floride.

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musée archéologique de Fourvière (Lyon, France), 1975, Zehrfuss (ci-dessus et vue intérieure ci-dessous)

Complétement enterré, le musée s'efface face aux ruines du théâtre et de l'odéon de Lyon, ne laissant se deviner que par deux larges fenêtres (ci-dessus). On entre par le haut du musée, descendant un premier escalier jusqu'à l'entrée, passant dans le hall, et amorçant la remontée du temps à travers un spectaculaire escalier en spirale épuré. Le reste du parcours s'enroule en s'enfonçant dans les profondeurs autour de gigantesques épines dorsales (ci-dessous), qui servent aussi de conduits de ventilation. A ce titre, c'est le seul bâtiment que j'ai entendu "respirer" : en s'approchant des épines, on entend un profond bruit grave d'air qui circule. On entre donc dans une sorte de squelette préhistorique géant. Techniquement, j'imagine qu'il a fallut résoudre de nombreux défis : l'humidité en étant un, la paroi adossée à la colline bénéficie, je crois, d'un système de double-isolation, comparable aux mécanismes mis en oeuvre dans le cryptoportique rémois des romains (une couche d'air ventilée est installée entre la terre et la paroi en brique intérieur).

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Chichu Art Museum - Tadao Ando - île de Naoshima, Japon 2004

Littéralement "musée d'art dans la terre", le bâtiment déploie de manière souterraine ses salles d'expositions, et pourtant il fait grand usage de la lumière naturelle qui tombe depuis des ouvertures géométriques et met en valeur les Monet ou les toiles de James Turell.

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maisons souterraines des mines d'opale, Coober Pedy, Australie

j'ai découvert Coober Pedy dans "échappées belles" sur France 5 et j'avoue avoir été étonné par cette ville étrange en plein coeur de l'outback australien : la cité doit tout aux immenses gisements d'opale sur laquelle elle est érigée, les plaines alentours sont parsemées de galeries et trous pour rechercher les précieuses pierres. Compte tenu des conditions climatiques extrêmes (+40 degrés à l'ombre), des installations souterraines ont été crées : église, maisons individuelles comme celle du grand négociant de la ville. Les habitants semblent habitués à ce mode de vie véritablement troglodytes !

  • du pilotis à l'aérien

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Kocher Canvas Weekend House, Northport, état de New York, USA, Albert Frey, 1934

Érigée sur de fin pilotis, la maison pour Lawrence Kocher de Frey semble flotter et prête à s'effondrer au moinde souffle de vent, en fait, sa conception lui permit de résister à un ouragan en 1938 qui renversa tous les arbres alentours. Pour frey, cette maison comportait véritablement 3 niveaux : l'espace sous le niveau médian (niveau des pièces à vie) servait d'abri à voitures, le niveau supérieur étant la terrasse inspirée dans la même veine que les toits solariums du Corbusier. Cette maison avait la particularité d'avoir des murs et des sols tendus de toile.

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Gutman House, Gulfport, Mississipi, 1958, Bruce Goff

la relation au sol est ici tout à fait étrange, l'édifice ressemblant vagument à un insecte sur patte ou une mécanique martienne faisait brutalement irruption dans la forêt et étant un peu coincé par les arbres. Son plan est tout à fait symétrique et "peu naturel". L'oeuvre de Goff est tout à fait atypique et mérite la découverte.

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Kiyomizu Dera, Kyôto, Japon

le temple est construit en partie sur une structure en bois de 13 mètres de hauteur, depuis les terrasses avoisinantes, on a l'impression qu'il flotte sur une nuée d'arbres. Je ne connais pas la nécessité d'avoir construit une telle plateforme. En tout cas, elle engendre tout une symbolique : l'on dit que si l'on saute de la terrasse du temple en souhaitant un voeu et que l'on survit, alors on sera exaucé. Wikipédia nous apprend que 234 sauts auraient été réalisés à l'ère Edo avec un taux de survie de 85,4% !

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musée edo-tokyo, Tokyo, Japon

Si la forme reprendrait les pentes des toits traditionnels japonais, beaucoup la rapproche plutôt du AT-AT walker dans Star Wars ! Là encore, je ne sais pas pourquoi l'architecte a choisi cette suspension. techniquement, je ne sais pas trop non plus comment cela tient !! le "ventre de la bête" est vide, abritant les vastes espaces du musée edo-tokyo où sont présentés quelques monuments de l'ancienne ville reconstitués et une nombreuse documentation. Comme toujours avec ce type de construction, je me souviens que l'esplanade en-dessous est venteuse et trop grande (idem à la Défense). Sous l'esplanade se trouve la boutique et les expositions temporaires si mes souvenirs sont bons.

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grande arche de la défense, Johann Otto von spreckelse, 1989

à la fois clôture de la perspective Louvre-arc de triomphe et symbole d'un nouveau quartier, l'arche fait porte entre "l'ancien paris" et le futur, cadrant les paysages. Comment le poids de la dalle est-il reparti pour éviter que les parois latérales ne s'écartent ? le tout sans contreforts comme dans les anciennes cathédrales ?

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tour CCTV, pékin, cabinet rem koolhaas, en cours d'achèvement

l'ancrage me paraît non dénué d'une certaine "violence" : les deux piliers plongent  dans le sol, et le poids de l'édifice semble tordre le sol. Il serait intéressant de savoir comment la structure tient là-encore !

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stade olympique de montréal, 1976,  Roger Taillibert

Je crois que c'est encore aujourd'hui la plus haute tour inclinée du monde (175m), on accède au sommet par un funiculaire à deux étages, l'inclinaison varie de 23 à 60 degrés. De manière différente de la tour CCTV de Rem Koolhaas, la tour crée une tension palpable avec le sol à travers le stade dont elle contribue à maintenir la toiture via des câbles. Il y a dans ce bâtiment un jeu intéressant entre la tour / le stade, et le stade / le sol, le premier semblant une voile en train de s'affaisser maintenu par cette tour penchée.

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palais des sports de Rome, 1957, Pier Luigi Nervi

La liaison au sol passe aussi par le rapport entre la toiture et le sol. Nervi offre ici un toit volant flottant désolidarisé des gradins, créant un sentiment d'ouverture de l'espace.

  • ces tours qui prennent racines, ou non.

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"grande pyramide", La Grande-Motte, 1960-1970 Jean Balladur

Dans un documentaire à la cité de l'architecture sur Jean Balladur et la Grande Motte, je me rappelle de l'architecte dessinant une ligne d'horizon, y ajoutant une tour habituelle, bien verticale, et commentant en affirmant que ce type de jonction induisait de la violence de la brutalité, justifiant ainsi son désir de formes pyramidables, permettant de rejoindre en douceur la terre.

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tour du crédit lyonnais, le "crayon" cabinet Araldo Cossutta & Associates

Un des points les plus délicats de la conception d'une tour réside dans sa jonction avec le sol, dans sa liaison avec la trame urbaine. Que d'exemples où les tours arrivent brutalement à terre, créant un halo de vide autour d'elles (tours de la dalle des Olympiades), un désert de parking, des esplanades inaccessibles (tour Bretagne à Nantes, 144m). Un exemple parmi tant d'autres : la tour du crédit lyonnais à lyon. La tour vient s'écraser sur la dalle en béton de la part dieu, son entrée est à peine signalée (pas de halls, ni de transition) et surtout, on ne peut rentrer (tour de bureaux) ! l'esplanade alentour est plus ou moins "bien fréquentée" certaines dalles du sol ne tiennent plus, et la liaison avec l'orchestre nationale de lyon ou le centre commercial part dieu sont pour le moins étrange.Autre inconvénient de ces jonctions verticales : les tours créent de forts courants d'air ascendants ou descendants le long des parois.



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tour mori dans le complexe Roppongi Hills, Tokyo, Kohn Pedersen Fox Associates, 2003, 238m

à mon avis, l'intérêt principal de ce building un peu fade et imposant, réside justement dans le dispositif de jonction avec la trame urbaine : la tour est posée sur un vaste piédestal de boutiques, ceinturée par une rue intérieure et par ces terrasses minérales qui descendent en cascade jusqu'à un jardin japonais et une agora qui forme lien avec un bâtiment d'une télévision.

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tour bionique de Shangai (projet) 1228 mètres de hauteur, Cervera & Pioz

Je pense que la crise a repoussé aux calendes grecques ce projet. Pour l'anecdote, le dispositif structurel de l'édifice repose sur les observations des habitations de termites et sur des ruches : en cherchant à comprendre comment ces constructions pouvaient tenir, les chercheurs en ont déduit de nouvelles manières pour édifier des tours, toujours plus haut. Les 1228 mètres sont conséquents, même si Burj Dubai atteint 818 mètres et quelques et que le projet Al Burj, dont la construction a été stoppée par la crise, devait rejoindre le kilomètre . L'intérêt de cette tour ici réside de nouveau dans la jonction avec l'horizontalité via une mini ville qui entoure la base, cette ville n'a rien d'une lubie supplémentaire des architectes, au contraire, elle est nécessaire pour stabiliser la tour.

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